L’incorporation de force, un sujet incompris hors d’Alsace-Moselle
Deux alsaciens évoquent, le drame de l’incorporation de force. Une cinquantaine d’habitants de ce village meusien a été massacrée en août 1944 par une unité de la « Wehrmacht » où se trouvaient plusieurs « Malgré-nous« .
Article publié dans les DNA, le 12 avril 2024
Les « Malgré-eux »
Évoquer l’incorporation de force en terre qui pourrait être hostile.
C’est le défi de Bernard Linder, vice-président du Souvenir français de Saverne-Bouxwiller, et de Bernard Sonnenmoser, fils d’un Strasbourgeois, Xavier, enrôlé dans la « Wehrmacht » fin 1943. Le village de la vallée de la Saulx n’a pas été choisi au hasard.
Le 29 août 1944, deux jours avant leur libération par les troupes américaines, cinq villages meusiens
– Robert-espagne, Beurey-sur-Saulx, Convonges, Mognéville, Trémont – subissent un véritable massacre de la part des troupes allemandes ; 88 civils sont assassinés et près de 400 maisons, granges et bâtiments publics sont incendiés ; Dans la région, on parle de « l’Oradour meusien ».
Il refuse de tirer sur les habitants
Il ne s’agit pas de SS, mais bien de troupes conventionnelles (une unité du 29ᵉ régiment appartenant à la 3ᵉ division de « Panzergrenadiers ») qui ont perpétré cette tuerie. parmi ces soldats se trouvaient plusieurs incorporés de force. Dont Xavier Sonnenmoser.
Ce n’est que tardivement que son fils Bernard, a pris connaissance de cette histoire :
« Il évoquait quelques anecdotes concernant ses combats sur le front russe puis son passage en Italie, dans la région de Monte-Cassino. Mais ce n’est que trois ans avant son décès qu’il a parlé de Robert-Espagne. Un jour, il m’a demandé de l’accompagner dans ce village et, durant tout le trajet, il m’a expliqué ce qu’il s’est passé là-bas ».
Peu de temps avant sa mort
L’historien local Jean-Pierre Harbulot avait recueilli le témoignage de Xavier Sonnenmoser peu de temps avant sa mort, au milieu des années 90. L’ancien incorporé de force racontait qu’il avait été désigné par un lieutenant pour tirer, à Robert-Espagne, sur plusieurs hommes rassemblés en haut du village, et qu’il avait refusé. Un Allemand a alors pris sa place.
Menacé du peloton d’exécution, il échappe de peu à la mort, car le lieutenant en question meurt deux jours plus tard lors d’un bombardement.
Selon son fils, il aurait également sauvé, avec un « Badois » (habitant du pays de Bade (en allemand : Baden) originaire de Lahr, un habitant handicapé.
« Ils devaient brûler sa maison. Ils lui ont fabriqué des béquilles avec du bois pour qu’il puisse s’échapper et, en remerciement, cet homme a donné à mon père un chapelet dans une boîte en nacre que ma sœur conserve. »
Les « Malgré-eux »
Assistant l’an passé pour cette cérémonie de commémorations, Bernard Sonnenmoser a été interpellé par un fils de massacré. « Il ne comprenait pas que mon père ne se soit pas manifesté plus tôt et il a poursuivi en ajoutant que tous les Alsaciens et Mosellans étaient volontaires pour rejoindre l’armée allemande. »
Une présence alsacienne lors du 80ᵉ anniversaire
Ce fut l’élément déclencheur qui a poussé le Strasbourgeois à organiser cette conférence (en date du samedi 13 avril 2024), avec l’appui de la mairie de Robert-Espagne et l’association des anciens combattants.
« Je l’ai vu l’an passé en pleurs à son retour, témoigne Bernard Linder. Nous avons alors pris la décision d’essayer de parer à l’ignorance du drame de l’incorporation des Alsaciens et Mosellans auprès de ces communes ».
Article écrit par Nicolas Roquejeoffre
Les ‘Malgré-Nous’ : le drame des Français forcés à servir l’ennemi nazi – RTBF Actus