“La cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, chef-d’œuvre de l’architecture gothique, se dresse majestueusement avec sa flèche culminant à 142 mètres, offrant un spectacle époustouflant de délicatesse et de grandeur, admiré par Victor Hugo comme un ‘prodige du gigantesque et du délicat’.”
Victor Hugo
La plus haute tour de la chrétienté (vers 1360-1439)
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ToggleCependant, entre 1340 et 1360. Alors que la construction de la tour nord est presque achevée. Un changement de plan majeur se produit : il est décidé de construire entre les deux tours un ouvrage qui viendra remplir l’espace vide. Gerlach réalise alors le dessin nº5. Qui montrant cette structure et l’adaptation du programme iconographique de la partie supérieure de la façade réalisée en conséquence. Le chantier prend toutefois du retard. Et si Gerlach parvient à terminer la tour nord en 1365, c’est à son successeur. Michel de Fribourg, que reviendra la tâche de combler l’espace entre les deux tours, non sans avoir quelque peu modifié le plan de Gerlach. La raison d’être de cette construction, dont l’exécution est assez peu soignée et qui n’a alors aucune fonction. Demeure cependant obscure, bien qu’il ait pu s’agir de préparer visuellement la façade à l’érection de flèches de grande hauteur.
C’est en effet dans ce but que la ville embauche en 1399 l’architecte le plus réputé de l’époque : Ulrich d’Ensingen. Celui-ci conçoit une grande tour octogonale entouré de quatre tourelles d’escalier indépendantes et coiffée d’une haute flèche à escalier central. À sa mort en 1419. L’octogone est construit aux trois-quarts. Mais son successeur, Jean Hültz, modifie le projet : au lieu d’un escalier central, la flèche octogonale aura huit escaliers rampants sur ses arêtes extérieures. L’ouvrage, achevé en 1439, culmine à 142 m et devient de ce fait la plus haute tour de la chrétienté.
Histoire de la Cathédrale de Strasbourg
La fin des grandes constructions (1439-1527)
L’achèvement de la flèche ne marque pas la fin de la cathédrale. Ne serait-ce que parce que les tours n’ont alors pas encore été voûtées. Une disposition permettant de hisser plus facilement les matériaux. Mais c’est surtout parce qu’il ne fait aucun doute en cette deuxième moitié du xve siècle qu’une deuxième flèche va être construite.
Néanmoins, ce chantier piétine. Les architectes qui se succèdent dans les décennies suivantes. Comme Mathieu Ensinger ou Hans Hammer, proposent bien des projets, mais ils ne sont pas mis en œuvre. Finalement, seule une tourelle d’escalier de la tour est construite sur une dizaine de mètres avant d’être abandonnée. Même si l’idée de construire une deuxième flèche reviendra périodiquement dans les siècles à venir, la cathédrale restera toujours dissymétrique.
Les maîtres d’œuvre ne restent pour autant pas oisifs. Outre les nécessaires réparations et les finitions des tours. Ils améliorent aussi les circulations. Dotent la cathédrale de mobilier monumental ou construisent des structures supplémentaires, comme le bâtiment du petit trésor en 1488, le portail Saint-Laurent en 1505 ou la chapelle Saint-Laurent en 1521.
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Réforme et Contre-Réforme (1527-1698)
Dans les années 1520, le protestantisme entre peu à peu dans la cathédrale. A partir de 1521, le curé de la paroisse Saint-Laurent fait la promotion des idées luthériennes lors de ses prêches. Puis, en janvier 1524, la paroisse organise la première messe en allemand. Cette même année, le Magistrat commence à faire progressivement enlever les éléments servant au culte des saints. Notamment les retables et autres images. En 1527 la cathédrale est officiellement dévolue au culte protestant, à l’exception du chœur qui reste attribué aux chanoines catholiques. Après l’interdiction de la messe en 1529. Les autels et les retables subsistants hors du chœur sont détruits. Tandis que les murs sont recouverts d’un badigeon pour masquer les peintures qui s’y trouvent. En 1531 c’est au tour du dallage de faire les frais de l’iconoclasme, les pierres tombales étant remplacées par un dallage uniforme.
En dépit des attaques contre le mobilier lié au culte des saints. Le Magistrat continue de prendre soin du bâtiment dans l’ensemble. En faisant réparer les dégâts causés par les intempéries, par exemple la reconstruction de la voûte de la chapelle Sainte-Catherine endommagée par un orage en 1542, et en finançant l’horloge astronomique, achevée en 1574. Ce soin ne s’étend toutefois pas aux parties encore occupée par les catholiques. Comme le chœur ou le cloître, qui tombent peu à peu en ruines. Du fait de son état de dégradation avancé, le cloître doit d’ailleurs être démoli vers 1550.
Le 30 septembre 1681, Strasbourg est annexée de fait au Royaume de France par Louis XIV. Parmi les premières décisions prises par le nouveau souverain. Figure en bonne place la restitution de la cathédrale au culte catholique. Des travaux sont immédiatement entrepris pour adapter l’édifice à la doctrine de la Contre-Réforme. Le jubé et la chapelle de la Vierge qui s’y appuie sont détruits pour ouvrir le chœur sur la nef. Cette dernière étant quand à elle dotée d’un décor et d’un mobilier baroque, dont un imposant baldaquin surmonté de la couronne de France. Afin d’améliorer l’éclairage. Une partie des vitraux sont remplacés par des fenêtres blanches et l’intérieur de l’édifice entièrement repeint en blanc.
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La cathédrale au xviiie siècle (1698-1800)
Le xviiie siècle voit reprendre les constructions au sein du groupe cathédral. Avec d’abord l’érection en 1744 par l’architecte de l’évêché Joseph Massol d’une nouvelle sacristie accolée au transept nord et de l’école des enfants de chœur, accolée au transept sud. À la fin du siècle, l’architecte Jean-Laurent Goetz réaménage également les alentours de la cathédrale. Depuis le Moyen Âge. Un grand nombre d’échoppes et autres cabanes en bois s’accumulaient au pied de la cathédrale, pour le plus grand déplaisir des autorités religieuses. Une démolition complète se révélant trop coûteuse, du fait de la nécessité d’indemniser leurs propriétaires. Goetz propose en 1772 de les dissimuler derrière une galerie néo-gothique, achevée en 1778.
Une première catastrophe marque cependant le milieu du xviiie siècle. Le 17 juillet 1759. La foudre s’abat sur la flèche puis, de là, sur la toiture de la nef où un incendie se déclenche. Embrasant rapidement l’ensemble de la toiture de la nef. Il se propage ensuite à la tour de croisée, qui s’écroule en partie dans les heures qui suivent. Emportant dans sa chute les voûtes de la salle du trésor et de la première travée de la nef. L’intérieur de la cathédrale.
En particulier le chœur, est également fortement endommagé par le plomb en fusion qui s’écoule des toitures. Ainsi que par les grandes quantités d’eau utilisées pour tenter d’éteindre l’incendie. Après la reconstruction de la charpente, la toiture de la cathédrale fut couverte de cuivre au lieu de plomb. Les 38 534 livres de cuivre nécessaire pour la recouverture de la toiture ont été fournies par la manufacture ce cuivre de François Daniel Oesinger. À la suite de longs débats. La tour de croisée n’est pas reconstruite, une simple toiture en forme de cône tronqué venant couvrir la coupole en 1763.
La deuxième catastrophe de ce siècle survient pendant la Révolution. Les élus strasbourgeois se montrant trop peu zélés à son goûts, Mirabeau envoie en mission de « déchristianisation ». Des représentants, qui vont s’appliquer à saccager la cathédrale. Entre le 7 et le 9 décembre 1793, 235 statues sont détruites. Puis les ornements de bronze des portails et autres éléments métalliques sont confisqués pour être fondus. Les boiseries du chœur arrachées et brûlées, les épitaphes martelées.
La cathédrale est transformée en 1793 en temple de la Raison. Ce qui n’empêche pas un représentant fanatique d’exiger en 1794 la démolition de la haute tour, car, selon lui, celle-ci « blesse le sentiment d’égalité de la république ». Le conseiller municipal Jean-Michel Sulzer fait échouer ce projet. En proposant d’en faire à la place un symbole de la république en coiffant la flèche d’un bonnet phrygien géant en tôle.
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Destructions et réparations (1800-1945)
La cathédrale est rendue au culte catholique en 1801 et la réparation des dégâts commence en 1806. Tout au long du xixe siècle, les sculpteurs Jean-Étienne Malade, Jean Vallastre, Philippe Grass et Louis Stienne se succèdent pour remplacer les statues n’ayant pu être sauvées lors de la Révolution. Outre la statuaire, l’architecte Gustave Klotz entreprend à partir de 1839 un important travail de réorganisation et de restauration des vitraux. Il fait également retirer en 1848 le badigeon qui couvrait les murs intérieurs et remettre l’horloge astronomique en état de marche par Schwilgué.
Cependant, moins de dix ans après son classement en tant que Monument historique en 1861. La cathédrale est prise pour cible lors du siège de Strasbourg de 1870. Outre la destruction de nombreuses balustrades, sculptures et vitraux. Les tirs provoquent également un incendie qui détruit la majeure partie des toitures. Ces destructions fournissent néanmoins à Klotz un argument supplémentaire pour mettre en œuvre son projet de reconstruction de la tour de croisée en style néoroman. Qu’il achève en 1879.
Un autre problème émerge quelques décennies plus tard. Les fondations de la tour nord et le pilier nord du narthex, qui n’ont pas été conçus pour supporter l’énorme poids de la haute tour. Montrent des signes d’affaissement, et les investigations complémentaires montrent qu’elles sont proches de la rupture. L’architecte Johann Knauth entame donc à partir de 1911 un important chantier de reprise en sous-œuvre de ces fondations. avec pour objectif de remplacer celles-ci par une plateforme en béton. C’est l’entreprise strasbourgeoise de l’ingénieur suisse Eduard Züblin (de) qui est chargée des travaux et qui utilise en particulier le Système Hennebique, procédé de construction en béton armé inventé par l’ingénieur François Hennebique. Ce chantier colossal n’est achevé qu’en 1926 par les architectes Charles Pierre et Clément Dauchy, Knauth ayant été chassé par les Français en 1921.
En août 1939, en prévision de la guerre imminente avec l’Allemagne, des murs de sacs de sable sont érigés devant les portails et autour du pilier des anges et de la chaire. Les vitraux sont déposés et mis à l’abri dans un premier temps en Dordogne, avant d’être récupérés par les Allemands après la capitulation française et envoyés dans les mines de sel de Heilbronn. D’autres mesures de protection sont prises à mesure que la situation militaire de l’Allemagne se détériore et que la probabilité d’une attaque aérienne augmente.
Le bombardement attendu survient le 11 août 1944, lorsque l’aviation américaine vise le centre-ville de Strasbourg : les bombes qui touchent la cathédrale entraînent notamment la destruction d’une partie de la coupole et de la voûte du bas-côté nord.
Trois mois plus tard, le 23 novembre 1944 les spahis du général Leclerc, qui viennent de libérer la ville, hissent le drapeau tricolore au sommet de la flèche. Accomplissant ainsi le serment de Koufra.
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La cathédrale depuis 1945.
Après la guerre. Se pose à plusieurs reprises la question sur la philosophie à adopter en matière de restauration et notamment si celles-ci doivent rétablir l’édifice dans un état médiéval supposé, en éliminant les ajouts ultérieurs, ou au contraire traiter de la même manière tous les éléments, quelle que soit leur période de construction. Les galeries de Goetz échappent de peu à la destruction, de même que la tour de croisée de Klotz. Il est en effet décidé en 1968 de remplacer celle-ci par une restitution de l’ancienne tour gothique disparue en 1759. Projet qui n’aboutira finalement pas.
Parallèlement, un chantier de restauration de grande ampleur débute en 1960. Sur le massif occidental et la haute tour, qui ne s’achève qu’en 2004. Au cours de ce chantier, les préceptes de la Charte de Venise, spécifiant que les restaurations doivent être minimales et réversibles. Sont souvent loin d’être respectés et de nombreuses parties du monument sont profondément altérées.
L’organisation du chantier est modifiée en 1999 par une convention signée entre l’État et la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame. Qui spécifie les rôles et le périmètre d’intervention de chacun et fusionne la fonction d’architecte de la cathédrale avec le poste d’architecte en chef des monuments historiques. Cette réorganisation entraîne la nomination en 2000 de Christiane Schmuckle-Mollard. Qui devient ainsi la première femme à occuper la fonction d’architecte de la cathédrale de Strasbourg.
Le début des années 2000 voit également la mise en œuvre architecturale des principes du concile Vatican II, qui s’est tenu quelque quarante ans plus tôt. Le chœur est notamment modifié afin que les célébrations soient mieux visibles des fidèles placés dans la nef. Les balustrades le clôturant sont ainsi supprimées. Tandis que le mobilier liturgique, en particulier l’autel, est renouvelé et placé directement à l’entrée du chœur.