« La bataille du château d’Itter a opposé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, d’un côté. Des troupes américaines aidées par des soldats de la Wehrmacht et par des personnalités politiques françaises détenues dans cette forteresse autrichienne et qui venaient d’être libérées. »
Voici l’histoire de la bataille la plus étrange de la Seconde Guerre mondiale. Le jour où les soldats de l’US Army et les soldats de la Wehrmacht se sont alliés pour défendre un château médiéval face à des SS.
Ça s’est passé dans les derniers jours de la Seconde Guerre mondiale, voici les faits de cette bataille historique.
4 mai 1945, cela fait quatre jours qu’Adolf Hitler s’est donné la mort dans son bunker à Berlin.
Le troisième Reich, a l’agonie depuis plusieurs mois, plonge dans le chaos.
De part et d’autre du Reich, les alliés écrasent les dernières poches de résistance allemande. Au nord de l‘Autriche, dans les montagnes du Tyrol, de curieux prisonniers sont enfermés dans un mystérieux château médiéval.
Depuis 1943, des soldats SS, sous les ordres de Heinrich Himmler. Retiennent d’anciens hommes d’État français dans la forteresse transformée en prison de luxe.
Le château d’Itter, une annexe du camp de concentration de Dachau. Retient en effet des personnalités de premier plan, Maurice Gamelin, ancien commandant de l’armée française. Edouard Daladier, président du Conseil français ou encore Marie-Agnès Cailliau, sœur ainée du général de Gaulle. Cohabitent dans cette incroyable tour d’ivoire.
La bataille du château d’Itter
À l’aube du 4 mai 1945, les prisonniers se réveillent et découvrent avec stupéfaction que leurs geôliers ont abandonné les lieux pendant la nuit.
Quelques jours auparavant, les soldats américains ont libéré le camp de concentration de Dachau. La mort suspecte de son ancien commandant a précipité la fuite des soldats SS du château d’Itter.
Les prisonniers français sont à présent livrés à eux-mêmes. Ils s’empressent de hisser le drapeau français aux fenêtres de la prison et s’emparent des armes abandonnées par les SS.
Dans le Tyrol, le chaos règne. Las et sentant la fin de la guerre proche, la Wehrmacht, l’armée régulière allemande. Oppose peu de résistance aux Américains qui cernent la région.
Pendant ce temps, les SS fanatiques sèment la terreur dans les villages autrichiens. Tirent sur les habitations arborant un drapeau blanc et exécutent sommairement leurs compatriotes soupçonnés d’être des déserteurs.
Conscients de la situation explosive, les prisonniers du château d’Itter décident de s’abriter dans leur forteresse.
Le bruit court que d’autres soldats SS s’apprêtent à revenir prendre d’assaut le château.
Dans l’espoir d’être libérés par les Américains. Les détenus rédigent une lettre en anglais et envoient Andreas Krobot, un cuisinier tchèque, rejoindre les soldats de l’US Army.
Trente minutes après avoir quitté le château à bicyclette, le cuisinier arrive au petit village de Wörgl.
Dans la rue principale, les Waffen-SS tirent à tout-va sur les habitations arborant un fanion autrichien. Pris de panique, Krobot bifurque dans une ruelle étroite et tombe nez à nez avec un civil faisant le guet.
Désespérée, le cuisinier lui tend la lettre. La sentinelle invite alors Andreas Krobot à le suivre et le conduit à l’intérieur d’une maison dans laquelle siège un mystérieux officier allemand.
Le major de la Wehrmacht n’est autre que Joseph Gangl, héros de guerre ayant survécu à l’enfer de Stalingrad, à la bataille de Normandie et à l’offensive des Ardennes. L’homme de 35 ans, à la tête d’une partie de l’armée régulière allemande, sait que la fin est proche.
Ne supportant pas les crimes commis par les nazis et afin de protéger les civils. Il a choisi de prendre la tête de la résistance autrichienne.
La bataille du château d’Itter
Joseph Gangl prend connaissance de la situation des prisonniers du château d’Itter. Conscient que ses maigres troupes ne feront pas le poids contre les soldats SS sévissant dans le village. Il prend la décision la plus curieuse de sa carrière.
Face aux fanatiques nazis, seuls les soldats de l’US Army pourront l’aider. Le major enfouit la lettre des prisonniers d’Itter dans sa poche. Se saisit de son MP40 et grimpe dans son « Kübelwagen ». Véhicule léger de l’armée allemande. Il prend également soin de cacher un drapeau blanc à l’arrière de son tout-terrain.
Rassemblant son courage, il part avec son chauffeur et met les gaz. Contournant soigneusement les barrages SS, zigzagant entre les mines et échappant de justesse aux bombardements américains. Ils traversent la campagne au péril de leurs vies.
Trois quarts d’heure après avoir quitté leur repaire. Ils parviennent au village voisin de Kufstein, petite bourgade autrichienne, où est basé un contingent de soldats de l’US Army.
Alors que la voiture allemande ralentit, Gangl sort son drapeau blanc.
Sur la place centrale du village, 4 imposants chars Sherman M4 accueillent l’officier allemand. Des G.I. apparaissent de derrière les chars et se dirigent vers le « Kübelwagen », en pointant leurs armes sur Joseph Gangl et son chauffeur.
Les deux Allemands lèvent les mains et se mettent à genoux. Après avoir été fouillés, ils sont escortés par des soldats américains vers le capitaine John C. « Jack » Lee.
Dans un anglais approximatif, le major allemand explique que des prisonniers de marque. Détenus à quelques kilomètres de là, sont en danger. Il extirpe la lettre de sa veste et la tend au capitaine américain.
Le gradé prend connaissance de la situation et monte dans son char Sherman. Du haut de sa tourelle, l’homme trapu arbore un large sourire et hèle le major allemand. Il annonce qu’ils vont tous 2 partir en mission de sauvetage.
La bataille du château d’Itter
Au crépuscule de la Seconde Guerre mondiale et pour la seule fois de son histoire, soldats allemands et américains s’allient pour se battre côte à côte.
Tandis que le major allemand rassemble 10 de ses hommes, le capitaine Lee regroupe 14 soldats autour de son tank. Le bataillon hétéroclite prend la route en direction du château d’Itter où les prisonniers attendent désespérément de l’aide.
Derrière les remparts de leur prison, les hauts dignitaires français découvrent avec ébahissement la composition de ce régiment improvisé. Soulagés de l’arrivée de leurs libérateurs, ils s’inquiètent toutefois de leur faible nombre.
Après avoir garé son tank devant l’entrée du château. Le capitaine Lee prend le commandement de tous les hommes de ma place forte. Résolus à ne pas rester les bras croisés. Les prisonniers décident de prendre les armes et de participer à la défense du château.
5 mai 1945. Dans la nuit, plus d’une centaine de soldats SS se sont réunis afin d’assaillir le château. Et de reprendre le contrôle de la prison.
Depuis la place forte, le major Joseph Gangl et le capitaine « Jack » Lee s’apprêtent à essuyer un déluge de feu. Dans le salon de la grande forteresse médiévale, les hommes se sont rassemblés autour d’une table.
La lueur vacillante des bougies éclaire un tableau surréaliste : Joseph Gangl a revêtu son uniforme, parsemé de décorations du 3ᵉ Reich. Et l’intrépide pilote de char de l’armée américaine mâche son cigare éteint.
Les deux hommes ennemis, jusqu’à la veille, partagent leur souvenir et racontent les différents faits de guerre qu’ils ont vécu au cours de ce conflit.
Dont ils souhaitent tous deux la fin.
À 4 heures du matin, les premiers tirs retentissent. Les SS sont en position, en contrebas de la forteresse. La bataille la plus étrange de la Seconde Guerre Mondiale, débute.
Pendant plusieurs heures, les artilleurs de la Wehrmacht. Les soldats de l’US Army et les prisonniers, ripostent face aux assaillants nazis.
Le Sherman du capitaine Lee garé devant la forteresse offre une puissance de feu redoutable.
Les combats font rage et le stock de munitions du château s’amenuisent dangereusement. Alors qu’un obus vient réduire au silence le tank américain. le capitaine Lee ordonne aux troupes de se replier dans le donjon.
La situation se tend lorsque Joseph Gangl est tué par un « sniper » SS. Le héros de guerre du troisième Reich, qui avait survécu à l’horreur de la bataille de Stalingrad et au débarquement de Normandie. Tombe au combat, abattu par un tir allemand.
En fin de matinée, la bataille fait rage et les défenseurs du château d’Itter sont acculés. Dans un acte désespéré, un homme s’élance du haut des remparts. Jean Borotra, prisonnier français du château et légende du tennis. Traverse les lignes ennemies à pied et parvient à rejoindre d’autres troupes américaines. Stationnées non loin de là.
À 16 heures, le capitaine Lee pousse un soupir de soulagement, lorsque le tonnerre de l’artillerie américaine retentit. Les renforts de l’US Army, guidés par le joueur de tennis, sont arrivés.
Les assaillants SS sont capturés et les détenus du château d’Itter, enfin libérés. Joseph Gangl est le seul défenseur à avoir trouvé la mort dans la bataille.
Trois jours après cet affrontement surréaliste, l’armistice set signé et le troisième Reich capitule formellement. Les prisonniers français retournent à la vie civile. Et les hommes politiques continuent à s’écharper, comme si la guerre n’avait rien changé.
Le capitaine Lee termine sa vie aux États-Unis et sombre dans l’alcoolisme. Joseph Gangl est, quant à lui, élevé au rang de héros national autrichien pour son alliance avec la résistance antinazie.
Le cuisinier, porteur de la lettre décisive, ne sera jamais retrouvé.